Monsieur De MIREMONT Grand chasseur

Thomas Exupert François De MIREMONT était un passionné de la chasse et
nous avons de nombreuses traces de cette passion.

1) – LE DROIT DE CHASSE

Selon SOBOUL c’est un « Droit personnel réservé au Seigneur Haut Justicier dans l’étendue de sa Haute Justice et à chaque seigneur sur son fief, interdit à tout autre sous des peines sévères. L’esprit de la législation était d’interdire aux roturiers le port d’armes réservé aux nobles ». Il précise aussi que, pour le noble campagnard « se ses activités spécifiques d’autrefois, seule demeurait la chasse », et ces nobles y étaient donc fort attachés. Dans une lettre adressée à Jean François Alphonse, Comte De MIREMONT, neveu de Thomas Exupert François De MIREMONT , alors député de la noblesse de l’Aisne aux états généraux à Paris, lettre du 18 Avril 1789, envoyée par le comte de la Boulloire, il est dit :
« ……… La chasse n’est pas un privilège, mais un abandon de la nation à ces Dieux supposés (c’est à dire les Nobles), pour la police générale et la sûreté des voyageurs, plus encore celle des cultivateurs ; c’est un délassement qu’elle nous permet, mais ça n’est pas un brigandage, ni une sordide et nuisible spéculation qu’elle nous autorise ».
« La chasse ? Le tiers convient lui-même que c’est un droit de fief nécessaire de conserver aux seuls Seigneurs, car sans cela il verrait les moissons abîmées par des gens qui quitteraient le fléau, la faucille, la faulx, la bêche pour exterminer leur lièvres et qui, cause eux-mêmes du défaut de denrée par le dégât qu’ils auroient fait, devenant des bandits, viendroient à main armée enlever au laboureur le peu que celui-ci aurait pu sauver de leur ravage dans les champs ……… il ne faudroit accorder la chasse aux tiers que 6 pour qu’il renoncoit bien vite de lui-même, ainsi ce ne sera pas avec humeur ni hauteur que vous lui refuserez la chasse, mais en lui prouvant amicalement, que c’est pour son propre intérêt ».

Ce texte est d’autant plus intéressant que les autres conseils donnés par Monsieur de La Boulloire au jeune De MIREMONT sont plutôt modérés et qu’il est prêt à renoncer à la plupart des autres provolèges.

On comprend donc facilement qu’il y ait eu des conflits avec les habitants à ce sujet avant la Révolution. De ce point de vue Saint Erme était un cas particulier, Maxime de Sars indique que dans un acte du 13 juillet 1263 « le Seigneur se voyait reconnaître le droit de chasse dans un endroit délimité, mais les religieux et les habitants avaient le même droit ». Ce droit des habitants permet de comprendre la plainte de Louise Charlotte GOUJON De MIREMONT , veuve de Charles François De MIREMONT , douairière de Montaigu (et tante de Thomas Exupert François De MIREMONT) qui, en 1779, demande la désarmement des habitants de Saint Erme, « des braconniers ayant menacé son garde ». Il en est de même en 1782, les Prieurs et Religieux de Saint Rémy de Reims et Monsieur de Berrieux « demandent aussi le désarmement des habitants de Saint Erme qui ont même troublé et insulté Monsieur de Berrieux fils » (Monsieur de Berrieux c’est Alphonse César Emmanuel François De MIREMONT , frère de Thomas Exupert François, qui est Seigneur de Berrieux). Les De MIREMONT partagent en effet la Haute justice de Saint Erme en indivis avec l’abbaye Saint Rémy de Reims. Le Roi donne à cette requête, mise à exécution par l’Intendant LE PELLETIER qui recommande à l’Officier de Maréchaussée chargé de cette opération « d’y mettre toute la prudence et la circonspection qu’elle exige ».

A Coucy les Eppes, Mauregny en Haye et Montaigu, le règlement de police (les plaids) édictés par Thomas Exupert François De MIREMONT stipulent : 

Article 30
Faisons défense à toute personnes d’abattre à la glander fênes et autres fruits des arbres dans quelques bois que ce soit puissent être même de les amasser et emporter quand ils sont tombés sous peine de 100 livres d’amende, conformément à l’article 27 titre 27 de la dite ordonnance.

Article 44
Défense à toute personne de quelque qualité et condition qu’elles soient de chasser dans l’étendue desdites terres à peine de 100 Livres d’amende, à moins qu’il n’ait une permission prescrite du seigneur, laquelle sera enregistrée dans la huitaine (8) au greffe de justices desdites seigneuries conformément à l’ordonnance de 1669.

Article 45
Défense à toutes personnes de tendre des lace, tirasses, bricoles de corde et fil d’archal, à peine du fouet pour la première fois et en 30 Livres d’amende, et pour la seconde fois fustigés, flétris et bannis pour 5 ans hors de l’étendue de la Maîtrise de Laon conformément à l’ordinnance de 1669 , titre 30, article 12.

Article 46
Défenses seront faites à toutes personnes de tirer sur les pigeons à peine de 20 Livres d’amende.

Article 47
Défense à tous particuliers de laisser vague leurs chiens dans la rue et sur les terroirs enjoignons de les tenir à l’attache pendant le jour. 4 Livres d’amende la première fois, le double la seconde la troisième fois il sera permis aux gardes de les tuer.

Il faut noter que les peines encourues sont particulièrement lourdes par rapport aux autres délits. On doit remarquer aussi que Thomas Exupert François De MIREMONT se réserve le droit d’utiliser les instruments de chasse et de braconnier traditionnel. Dans son testament du 4 Janvier 1806 il lègue à son neveu de Belval « tous les filets que j’ai fait et notamment mon drap des morts pour prendre les lapins, ma trainasse de nuit qui n’est pas encore entièrement arrangée et mon filet à prendre les bécasses et tout autre ».

Pour faire appliquer ce règlement, il a deux « Gardes bois chasse et plaine » à Coucy les Eppes, dont les nominations sont dûment enregistrées à la Justice seigneuriale. Et il en a au moins un à Mauregny et un à Montaigu. Dans ces conditions, il est compréhensible que la Justice seigneuriale et le registre du contrôle des actes de notaire enregistrent de nombreux délits commis dans les bois et en particulier des délits de chasse, et y compris d’habitants de Marchais. Il y a encore des procès au début de 1790 à ce sujet : c’est à dire que Monsieur De MIREMONT a défendu son privilège jusqu’au bout !

2) - LE DROIT DE GARENNE

C’est le droit pour les Seigneurs d’ « avoir sur ses domaines des réserves de gibiers, spécialement de lapins ».
Ils avaient le droit de se créer des garennes « fermées » (c’est à dire closes de murs ou entourées d’un fossé plein d’eau) mais ils avaient perdu le droit de créer des garennes « ouvertes » depuis 1614, sauf ceux qui en avaient préalablement le droit.

C’est surtout à Mauregny que se pose le problème des garennes et de la dévastation des récoltes qui en résulte.
En effet le cahier de doléance de ce village indique que les habitants se plaignent depuis 30 ans des dégâts causés à leurs terres, prés, bois et vignes « entre autre il se trouve 11 arpents de vignes qui sont ruinés de façon qu’ils se trouvent actuellement en friche ». Cette réclamation a été reconnue valable par le bureau intermédiaire de l’Assemblée de l’Election de Laon le 2 mai 1788. Mais le 30 octobre 1788, Monsieur LELEU, Subdélégué à Laon, après avoir noté que les habitants de Mauregny vont jusqu’à accuser le Seigneur De MIREMONT de « corrompre les Officiers de la Maîtrise », et qu’il y a eu pendant les 3 dernières années des « visites à l’amiable » sans succès, demande aux habitants d’évaluer avec précision les dégâts. Même rappel à l’ordre le 11 novembre 1788.

Ces conflits sont compréhensibles : le plan cadastral de Mauregny en Haye en 1821 (soit 11 ans après la mort de Thomas Exupert François De MIREMONT), mentionne 7 lieudits « garenne » :
- La garenne Brûlée - La garenne du Faux Puits
- La garenne du Haut Bouin - La garenne du Bois Bruin
- La garenne du Champ des Pauvres
- Les garennes du Bois Fays

Et ce n’est pas tout : en 1803, Monsieur De MIREMONT a vendu 28 hectares de garennes au lieudit « La Demi Lieue », une garenne au lieudit le Mont Héraut, et 7 hectares de garennes dits « garennes du Gros Tate » tenant de toute part aux usages et entourées de fossés. En tout il y a eu une cinquantaine d’hectares de garennes connues dans les différents actes consultés.
Le problème de la destruction du gibier qui dévaste les récoltes et du droit de chasse a été relevé aussi par les habitants de Coucy les Eppes, qui ont le même Seigneur que celui de Mauregny, ainsi que ceux de Berrieux dont le Seigneur est un proche parent de celui de Mauregny et Coucy. Sur les cahiers de doléances conservés aux archives départementales de Laon, en tout 8 villages posent cette question.

Monsieur Thomas Exupert François De MIREMONT est vraiment un enragé de la chasse : vendant en 1803 les bois du lieudit « La Merdeuse » (actuellement La Meldeuse) à son neveu, il « se réserve le droit de chasse sa vie durant », il a alors 78 ans, et en 1806, à 81 ans, vendant encore 10 hectares de garennes au lieudit La Demi Lieue, il se réserve « sa vie durant, seulement pour lui, ses amis et les personnes de sa maison, les droits de chasse sur les objets ci-dessus vendus, sous préjudice de la faculté qu’aura l’acquéreur d’en faire de même, plus la réserve du pâturage pour ses bêtes blanches aussi sa vie durant. Si les dites garennes étaient converties en terres labourables et ce dans les saisons et temps convenables lorsqu’elles ne seront pas empouillées ». Notons que le lieudit La Demi Lieue était à cette époque une lande où pâturaient les moutons et les lapins, entre le Mont d’Haye et la route de Coucy les Eppes à Sissonne.
Un autre signe de sa passion de la chasse, ce sont ses chiens. Madame De MIREMONT leur fit construire un chenil très perfectionné « un palais, écrit-elle : belle cour, eau de fontaine toujours coulante, galerie couverte élevée et pavée, avec de grands fours pour brûler leur paille et les réchauffer au retour de la chasse. Il était impossible de désirer mieux ». Elle ajoute : « Monsieur De MIREMONT montrait de l’humeur et m’objectait l’importunité des puces du chenil qui allaient refluer partout. Le lendemain, jour de fête, je fis faire des traînées d’épingles, et les enfants s’y portant en foule, emportèrent les puces au village ».
Comme on le voit la passion des chiens allait vraiment très loin !

Enfin l’inventaire du mobilier du château de Coucy les Eppes à sa mort en 1810, mentionne une peau de loup , 5 pièges en fer dont 1 à loup.